dimanche 17 juin 2012

Cristobal à vélo, mais pas trop.


Vous voulez savoir comment j’ai mangé la meilleure viande de ma vie ? Pourquoi mon vélo à rendu l’âme sur une route déserte ? Comment je me suis recyclé en tondeur de moutons ? Pourquoi j’ai dormi avec un prêcheur de l’Eglise Adventiste du Septième Jour ? Vous voulez voir les photos magnifiques des glaciers, des montagnes, et ressentir la sensation du bout du monde? Alors accrochez vous et prenez votre temps. Ce billet c’est du lourd, et y en a un paquet.

Je suis donc toujours à Villa O’Higgins ou j’apprends que finalement, la frontière sud du chili est fermée jusqu’à septembre. Ce passage consistait à traverser un lac en ferry et rejoindre rapidement le village d’El Chalten sur environ 50 km. Au lieu de ça, je dois traverser la frontière par le passage « Mayer » qui m’oblige à faire un détour de 460km dans la pampa argentine. Ça me gène pas trop vu que de toute façon, je suis là pour ça. Je prévois de rejoindre le poste de frontière dans la matinée et de changer de pays en fin de journée. En réalité, ça m’aura pris 3 jours pour traverser ce foutu passage « Mayer » !

Villa O'Higgins

De bon matin, je m’engage sur la route pour rejoindre le poste frontière chilien. Sur la piste, je sens que quelque chose cloche sur ma bécane. C’est pas les freins fraîchement réparés par mes soins, c’est pas mes pneus, ni mes sacoches… C’est un rayon cassé. La vache ! Pas question de revenir en arrière parce qu'y a pas de réparateur ni de magasin de vélo à O’Higgins. La seule chance que j’ai de réparer c’est à Gobernador Gregores (à  4 jours de vélo quand même). Un peu plus loin c’est mon porte bouteille qui fout le camp, sans parler de ma sangle de pédale qui se décroche toutes les 2 minutes et du bruit étrange que fait mon dérailleur depuis quelque heures. Mon vélo est en train de tomber en miette et pas moyen de le soigner avant la prochaine ville. Le principale c’est que je peux toujours avancer et le paysage est franchement pas vilain. Bon, j’aurais quand même réussi à me tromper en chemin et a me faire escorter par 5 gauchos hilares sur leurs chevaux, jusqu’à la bonne route.

Le mauvais chemin.
Le bon chemin.


Arrivé au poste de frontière, petite discussion avec les carabiniers qui m’explique le fameux passage Mayer. « Donc ce passage il n’y a pas de route pour y aller, c’est un chemin pédestre, mais pas très bien entretenu alors il faudra faire attention à pas te perdre. Une fois arrivé au Rio Mayer qui marque la frontière (le Mayer est un fleuve aux allures de torrent), tu devras emprunter une passerelle en bois. C’est une toute petite passerelle mais avec ton vélo, ça devrait passer normalement. Ensuite du côté argentin, heu… y a pas de route non plus, mais tu devrais pouvoir te repérer avec des pierres au sol. Bon. Tu vois la ferme là-bas ? Il faut que tu passes par ses terres si tu veux rejoindre la passerelle. Va parler au propriétaire, il t’indiquera la route. »

J’ai senti que ça allait pas être de la tarte, mais à ce point…

J’ai bien demandé ma route au propriétaire de l'estancia mais j’ai quand même réussi à me perdre dans la forêt. Après 1h de zigzague dans les bois je décide de revenir sur mes pas. En arrivant devant la cabane, il y a 4 personnes qui s’affairent à dépecer et découper une vache fraichement tuée. La scène est plutôt impressionnante pour un néophyte comme moi. Il y a du sang dans tous les coins. Les bouts de viandes sont accrochés aux branches des arbres pour éviter que les très nombreux chiens, chats et poules viennent dévorer la bête. Ca dégouline de partout. Pancho, le propriétaire, m’invite à rester pour l’asado (la grillade). Inutile de vous dire que c’était incroyablement bon. Il m’invite aussi à rester chez lui pour la nuit parce qu’il va faire froid et que sa meute de chien va m’empêcher de dormir si je dors sous tente. Je passe ma soirée avec lui et Lucho, son pote gauchos. Tard dans la nuit ils vont préparer une sorte de ragout avec la viande fraiche de la journée. Pancho m’a dit « Tu vas voir, la viande non congelée, c’est une merveille. » Je l’ai effectivement mangé cette viande. J’avais jamais rien connu de tel. La viande de vache en réalité, ça a un goût qui ressemble à celui de la chasse. C’est fort en goût naturellement, c’est exquis, c’est le pied, c’est un bonheur, c’est délicieux,  délectable, succulent, merveilleux, précieux, c’est le paradis. Bref, j’ai mangé la meilleur viande de ma vie.


J'ai découvert ce soir là le vin rouge au Fanta. Oui. Mais c'est pas mauvais.


Passage Mayer

Cette traversée aura été une vraie épreuve de force. Comme il a neigé pendant la nuit, difficile de voir le chemin par endroit. J’ai passé 4h pour faire les 3km qui me séparaient de la passerelle. Je me suis perdu plusieurs fois, j’ai traversé des étangs de boues, des coulées de glace, porté mon vélo sur plusieurs mètres en attachant et détachant à chaque fois mes sacoches, je suis resté croché dans ronces une bonne dizaine de fois pour finalement trouver le fameux passage.


Pour moi, ça, c'est la vision de l'enfer.


Cette passerelle c’était un peu un pont à la Indiana Jones qui se balançait dans tout les sens. Et autant vous dire que non, mon vélo ne passait pas. En tout cas pas avec les sacoches. Même moi je crochais les bras contre la barrière si je les laissaient le long du corps.

LE passage de frontière


La suite de l’histoire vous la devinez, je me suis reperdu plusieurs fois avant de trouver mon chemin grâce à l’aide de Lucho, le mec avec qui j'avais mangé la veille, qui par chance passait par là.

Lucho, un gaucho, un vrai.

Chemin convivial
Elle est pour qui la traversée les pieds dans l'eau?

Le soir, j’arrive extenué au poste de frontière argentin. C’est deux jeunes de mon âge qui l’occupe. Je leur demande l’hospitalité pour la nuit, qu’ils accepteront sans problème. Programme de la soirée, viande, vin au sirop et jeux d’échecs. Yeah !

 Le jour suivant c’est la fête, je peux enfin rouler sur une piste plus ou moins cyclable. Je sors petit à petit des montagnes pour retrouver ma pampa chérie. Petite nuit fraîche sous tente (mes gourdes ont gelé pendant la nuit) et c’est reparti pour une bonne journée de vélo.


Tu parles Charles.


Comme il a plu pendant la nuit et qu’il fait très froid maintenant, la route de terre devient mon pire ennemi. La boue se colle aux roues et gèle quasi instantanément. Je dois descendre chaque 3 minutes du vélo pour enlever cette glue qui m’empêche d’avancer. Après plus d’une heure à me débattre du mieux que je peux, le vélo se bloque complètement. Je jette un œil à la roue arrière et constate avec horreur le dérailleur tordu, bloqué dans mes rayons. A titre de comparaison avec un humain, mon vélo est au stade du coma. Impossible de le bouger dans un sens ou dans un autre. Impossible de tirer dehors de la roue le dérailleur. En plus de ça, la boue recouvre absolument tout mon vélo ainsi que toutes mes sacoches. Et puis oui, il commence à pleuvoir. Deuxième fois que je reste bloqué pour un problème technique. Ça commence à faire beaucoup. Un fort sentiment de « cette fois c’est bon, j’arrête, je rentre » m’est venu en tête. Mais quand t’es au milieu de nulle part, tu veux rentrer où ? Et comment ? J’ai pas eu le temps de désespérer cette fois.  J’aperçois un vieux bus tout rouillé arriver au loin. Dans ce bus, il y a 5 péons (ouvriers des champs).Je ne le sais pas encore, mais ils vont me faire vivre une semaine des plus trépidante !


Martine Cristobal à la ferme

Les gars du bus me proposent de m’emmener avec eux jusqu’à l’estancia à 5 km de là. On discute un peu en route et on se met d’accord : Je passe la semaine avec eux (nourri, logé,   sali) et ils me ramènent en ville quand ils rentrent chez eux. C’est pas trop génial ça ?

J’ai donc passé une semaine avec la fine équipe du bus magique à travailler dans une estancia. Les péons se promènent dans toute la province et travaillent sous mandats pour le propriétaire d’une ferme. Cette jeune équipe est spécialisée dans la tonte et du coup ils amènent avec eux leurs machines.




Le travail consistait à tondre la tête des moutons pour l’hiver. J’ai un peu cligné de l’œil quand j’ai vu les 4800 moutons se promener gaiement dans les champs. « Non ça c’est une petite estancia, d’habitude on tond 15'000 ou 20'000 bêtes. Et encore, là on fait que la tête »





Le programme de la journée : Debout à 07h, tondage de mouton, pause maté, tondage de mouton, viande de mouton au dîner, tondage de mouton, pause maté, tondage de mouton, viande de mouton au souper, jeu de carte (truco) et vin rouge au coca. Le cuistot du groupe nous a préparé du mouton sous toutes les formes : asado, en soupe, avec des pates, milanaise, froid, etc etc

Au petit matin

Pépé, le cuistot.

Julio et Georges

Le corral

... et les moutons.


Mon boulot consistait à amener les moutons dans les différents box du corral et de ramasser la laine coupée. Je me suis un peu essayé à la tonte, mais c’est franchement pas facile. C’est lourd et vachement musclé un mouton !

Julio en mode "je me la pète j'ai deux moutons"

Content





Une semaine sans chauffage ni eau chaude dans des conditions difficiles mais avec des gens faciles. Le bonheur !

Se faire un maté avec une bonbonne à gaz DANS le bus, ça c'est beau !

Le bus magique.


Une fois le boulot terminé, on a mis les voiles. Sauf que comme ce bus magique était TRES vieux, on est tombé 7x en panne dans la même journée. 8h pour faire les 100 derniers kilomètres, pas mal non ?






Une fois à Gobernador Gregores et les adieux plutôt touchant terminés, j’apprends que le seul réparateur de la ville est en vacance pour un mois. Comme l’idée de rester coincé dans une région minière coupée de tout ne me tente pas vraiment, je décide de faire du stop pour aller directement à El Calafate. Sauf que la Ruta 40 est fermée sur plusieurs tronçons et qu’une fine couche de glace persiste sur quasiment toutes les routes. J’attends 4h au bord de la Ruta avant d’apercevoir la première camionnette de la journée (qui m’emmènera un bout plus loin). Après plusieurs transbahutages de camionnettes en camionnettes, je me retrouve dans un camp de travailleur s’occupant de la reconstruction de la chaussée. Mon dernier chauffeur m'explique que c’est là que j’aurai le plus de chance de trouver quelqu'un m’amenant à la prochaine ville. Sauf qu’on est vendredi et que tout le monde est parti. Le gardien du site, un vieux monsieur s’occupant des machines, me dit que il n’y aura personne avant lundi et que peu de gens passent par cette route. Il m’invite à boire le maté dans son container-maison et me propose de passer la nuit là si personne ne vient. « On attendra demain, entre 10h et 11h y a toujours un camion qui passe »

Ce vieux monsieur, c’est Hanz, il est descendant d’une famille allemande et adore le folklore germanique. Ce monsieur, c’est la gentillesse personnifiée. Par contre, il est adventiste. J’ai eu le droit à un sermon de quasiment 3h sur « l’église adventiste du 7ème jour qui n’est que vérité alors que toutes les autres sont un mensonge du diable » J’ai eu le droit au feuillet, à la lecture de passages de la bible et aux conseils pour trouver le chemin de la lumière vers la vie éternelle dans un sentiment d’amour et de partage envers mon prochain. Tout ce que j’aime quoi. Il était sympa ce Hanz, un peu borné quand même. Je lui ai fait la promesse «d’éclairer mes amis de ma lumière maintenant que je connaissais la vérité ». Je lui dois bien ça.
Alors si ça vous branche => www.adventiste.org , moi je passe mon chemin.

Hanz

Le paysage devant Hanz


Le lendemain comme prévu, le camion passe et m’amène au prochain village. Après quelque heures et autres péripéties (dont le passage dans la maison d’un gars qui avait un guanaco comme animal de compagnie) me voilà enfin à El Calafate.

Le piti guanaco adopté



Jusqu'au bout du monde



El Calafate, c’est un peu le Verbier patagonien. Y a pas de pistes de ski, mais y a des glaciers. Et y a un surtout un qui vaut le coup d’œil. Mesdames messieurs, voici pour vous Le Perito Moreno !




Yeah !


Avec ses 5 km de large et ses 60 mètres de hauteur, il est l’attraction principal de la région. Et franchement, c’est très très impressionnant.






Après cette petite journée accompagné d’un colombien (qui n’avait jamais vu la neige), je rentre à l’hostel et fait l’agréable rencontre de Xavier (français) et de 5 genevois(es). Un réel plaisir pour moi d’entendre le doux sont de « comptoir », « carnotzet », « valais », « auberge de la poste de Martigny » de la bouche de quelqu’un d’autre. Comme la suisse est en force on tentera un fondue toute-faite argentine. La pire idée du monde. On s’est retrouvé avec une sorte de pâte vache-qui-rit dégueulasse et absolument immangeable.

Super synchro ct'équipe

Le ciment

Les copains

Vue depuis El Calafate


L’ambiance festive de ces quelques jours et l’impression d’être un peu revenu en Valais m'ont vraiment fait du bien et j'oublie un peu les souci du vélo. J’attaque par la suite 3 jours de randonnée dans le parc du Mont Fitz Roy, à El Chalten. C’est en solo, pour une fois, que je profite du paysage.

Fitz Roy









 El Chalten est super connu des grimpeurs et des expéditions de haute montagne. En gros, les mecs viennent se faire les pieds sur le Fitz Roy avant d’attaquer l’ascension de l’Everest, rien que ça.


Le lac étant gelé j'ai pu touché le glacier du fond. Hu hu !


El Chalten


J’ai passé pas mal de temps à El Calafate. Il m’a fallu prendre un décision de taille. La situation dans le sud du continent est la suivante : une couche de glace recouvre quasiment toutes les routes secondaires et une partie des routes principales. La Ruta 40 est fermée sur certain tronçons. La température peut descendre jusqu’à -15° la nuit et -5° en journée. Il y a effectivement moins de vent qu’en été, mais ça reste du vent et souvent mélangé avec de la neige. Comme mourir d’hypothermie ne fait pas partie de mes plans, je ne peux plus me permettre de dormir sous tente. Et si je ne peux pas dormir sous tente, je ne peux pas traverser la pampa. J’ai pensé à rejoindre l’île de la Terre de Feu en bus, d’y réparer mon vélo et de faire les 300 km me séparant d’Ushuaia histoire de… Mais en réalité la situation à Ushuaia est pire. Il a neigé plus d’un mètre, ça fait 20 ans qu'ils ont pas vu ça. Du coup l’aéroport est fermé et la route du col menant à la ville est quasiment impraticable.

Même les pumas galèrent en ce moment.


Je me suis donc fait une raison et j’ai pris l’option la plus raisonnable, celle de me rendre en bus directement jusqu’à Ushuaia. Tant pis, j'aurais pas rejoint le bout du monde à vélo. Mais comme mon bout du monde à moi c'est les Caraïbes, je me suis vite consolé. Et puis bon, les 3 genevoises m’ont proposé de passer quelque jours avec elles dans la ville la plus australe du monde, ça aide aussi à retrouver le moral :)


Aller au bout du monde, c'est bien.
Y aller avec trois blondes, c'est mieux.


C’est donc depuis la belle ville enneigée d'Ushuaia que je vous écrit. Je m'y repose depuis  d'ailleurs bientôt une semaine. Je vais déposer mes sacoches quelques temps histoire de pouvoir enfin réparer mon vélo, nettoyer mes affaires, préparer l'itinéraire du côté chilien et trouver un bateau qui m’emmènera vers ma prochaine grande aventure. 


Prochain billet bientôt ! Avec de l'Ushuaia, de la Malvinas, de la neige des statistiques et de la vidéo !




Bon été à tous !











4 commentaires:

  1. trop cool mais je me réjouis de te revoir...
    à bientôt...
    biz
    ta ptite couz' Chloé

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  2. On n osera plus jamais te cuisiner de la vache...
    Penses-tu que le plus dur est fait ?....je pense...:)
    Est-ce que les vaches suisses ressemblent aux sud-américaines??? Toi qui es un spécialiste maintenant...
    Mais on te feras une fondue...
    Christine

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  3. et le petit film ????...je VEUX....
    Anonyme...

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  4. Mon petit Malin,
    Je viens de finir de lire tes dernières aventures... C'est juste incroyable!... Mais rentres quand même un jour d'acc?? Tu commences à me manquer un peu...
    Gros bisous du Cameroun

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