dimanche 8 décembre 2013

Amazonia

Edit 16 décembre : la vidéo est enfin en ligne, vous la trouverez en bas de la page !




Pour le dernier billet de l’année, je vous ai réservé des aventures de dingues ! Y a un sacré paquet à lire. Indiana Jones peut aller se rhabiller. Cristobal est dans la place !!!



Je quitte Lima sous la pluie avec un léger mal de ventre. C’était vraiment trop chouette Lima, j’ai pas du tout envie d’en repartir. Je décide malgré tout de prendre le bus pour Cerro de Pasco (4300m), le point culminant de la cordillère à la hauteur de Lima. J’ai plus envie de remonter les Andes encore une fois à vélo. C’est rigolo une ou deux fois, mais ça n’a plus de sens pour moi maintenant. Quand je peux choisir de payer 5 CHF pour éviter 3 jours de grimpettes, j’hésite plus du tout.


Petite famille de Lima



J’arrive donc à Cerro de Pasco à 5h du matin, en même temps que les ouvriers de la mine. Il fait un froid à te percer la peau. J’arme rapidement le vélo, me mets 5 couches sur le corps et amorce la magnifique descente de 110 kilomètres. Un vrai régal ! Chaque heures je m’enlève une couche et apprécie avec une certaine excitation la flore passer de l’altiplano jaune et sec à la jungle verte et humide. En même temps que le paysage, c’est aussi la tête des gens qui change. Les habitants du coin deviennent au fur et à mesure plus maigre, plus foncé, plus souriant. Cette fois ça y est, j’ai quitté pour de bon l’altiplano !







Au troisième jour, je dois remonter un col, un petit. Et comme d’habitude, le fait de lâcher le vélo plus d’un mois me fait régresser au rang de débutant. Je monte avec peine mais les encouragements des gens au bord de la route m’aident beaucoup. On m’offre des fruits (je suis tombé amoureux de la grenade), de l’eau, de la tarte et on m’arrête souvent pour me prendre en photo avec l’enfant de la famille, sous prétexte que c’est son anniversaire. Trois anniversaires en moins de 10 kilomètres, c’est quand même un peu fort. Ma barbe fascine souvent les petits. Dans le royaume des imberbes, je suis un dieu. 


Barbe extrême douceur.
Avec toute la famille.






Dans les trucs qu’on a voulu me refiler, je tiens quand même à préciser qu’il y a eu un perroquet. Oui un perroquet, un vrai. De ceux qui parlent et qui te disent « Holaaaaa Criiiiiis ». Il m’a fait tellement rigolé celui-là que j’en ai eu mal au ventre. L’essence du Capitán Cris prend forme…


Aurora, LE perroquet.



Un soir, un fermier m’invite a dormir derrière sa maison de terre. Vu de l’extérieur, ces petits villages paraissent plutôt pauvres. Enfin bon, notre conception de la pauvreté. Parce que malgré les cochons qui traînent partout, les adultes illettrés et la sensation que personne n’a pris de bain en 10 ans, les télés plasma, les smart-phones et les dents en or ne manquent pas. C’est toujours un peu bizarre de voir un enfant sans chaussure te prendre en photo avec son dernier Nokia à écran tactile.


Arrivé au sommet du col, je continue ma descende jusqu’au niveau zéro. Paysages époustouflants, fruits sucrés, et douche naturellement chaudes.



Las Vegas baby !



Vert



Je prends conscience de mon nouvel environnement malgré moi, un peu après Tingo Maria. La journée il fait chaud, très chaud, et pas un seul nuage. Le soir je me dis donc « Chouette je vais pouvoir dormir près du terrain de football, seulement avec mon hamac ! » Sauf que vers 3h du matin il s’est mis à pleuvoir. Et je parle pas de la petite pluie fine rafraîchissante  mais de l’ouragan torrentiel ! Je veille donc le reste de la nuit, tout mouillé, parce que j’ avais pas prévu de plan de secours. Au petit matin pas de chance, la pluie de cesse pas. C’est donc trempé jusqu’aux os, toutes mes affaires avec, que je remonte sur la bécane. La pluie, qui continuera de tombée toute la matinée aura eu raison de mon moral. Je m’arrête dans un tout petit hôtel pour y rester une journée au sec. On apprend plus vite de ses erreurs. Bienvenue dans la jungle !


C'était un terrain de foot hier.



Les journées suivantes se passeront tranquillement, sur un terrain pas trop accidenté. La sympathie des gens de la jungle rythme mes journées. Sur les 6 nuits passées dans cette étape, 4 se feront dans la maison d’un particulier. Les enfants viennent me chercher en général, quand je monte ma tante ou mon hamac. Ils viennent en me disant qu’ il y a des moustiques et des voleurs et que leur maman préfère que je dorme chez eux. Et qu’en plus je dois surement avoir faim… 


Dormir chez l’habitant c’est toujours un peu particulier dans cette région. Les cabanes sont en bois ou en bambou, sans porte. Les gens sont plutôt réservés et s’est parfois difficile d’alimenter une conversation. Nos mondes sont tellement différents qu’on ne s’y retrouve pas toujours. 







J’arrive finalement à Pucallpa, là ou la route s’arrêt net. Si je veux continuer plus loin, c’est en bateau que je devrai le faire, et c’est bien dans mes plans. Je passerai quand même une semaine dans la famille de David, rencontré sur couchsurfing. Son petit frère et son pote m’ont fait visiter une grande partie des environs et j’ai eu l’occasion de goûter un milliard de fruits que je ne connaissais pas. J’ai évidement retenu aucun nom. Mention spécial pour le cacao, dont le fruit ressemble plus a une grosse mangue qu’à la plaque Migros Budget que j’avais l’habitude d’acheter.


Une fois de plus, sol en bambou, cuisine de terre, toilettes turc, mais écran plasma et chaine-hifi dont les enceintes dépassaient les 1.50m de haut.

Cuisine

Les copains dans la cuisine.


Pucallpa



Pour la petite histoire, voici ce qu’écrira David sur moi, après mon court passage dans sa famille :


« Converse con Christophe por teléfono y me contaba sobre su gran
aventura, es la primera persona que conozco con un verdadero espíritu
de viaje, dispuesto a seguir y nada lo para, mucha suerte en tu
travesía en bicicleta y ahora en bote por los ríos de nuestra Amazonia
Sudamericana. »


"J’ai parlé avec Christophe par téléphone et il m’a raconté
sa grande aventure. C’est la première personne que je
connais avec un véritable esprit de voyage, toujours prêt à
avancer et rien ne l’arrête. Bonne chance pour ta traversée
à vélo et maintenant en bateau sur les fleuves de notre
Amazonie Sud-Américaine."

Le ton est donné, vous pouvez dorénavant me vouvoyer.  C’est de Pucallpa que commence ma véritable aventure junglesque, et ça va pas être triste.

Amazonia

Je commence en douceur, avec un voyage de 5 jours en bateau « lancha ». Ils avaient annoncé 3 jours, mais dans la jungle rien n’est certain. Les lanchas donc, sont des bateaux de marchandises mais surtout de passagers qui font le trajet Pucallpa-Iquitos une à deux fois par semaine. La particularité c’est qu’on est tous entassé au même endroit avec nos hamacs et qu’on regarde le temps passer. 200 personnes sur un étage, femmes enfants et poulets inclus, ça fait un sacré foutoir. Comme je suis le seul blanc à bord, j’ai le droit aux grands yeux, aux regards fuyants et aux rires étouffés. Trois fois par jours la cloche sonne et tout le monde se précipite en cuisine pour recevoir sa nourriture de cantine dans un tupperware.





Mes voisins de gauche.


Vue depuis le 3eme étage.



Au fil des jours les gens commencent à sympathiser. On vient me voir pour me poser des questions, pour passer le temps ou pour prêcher la bonne parole de je-ne-sais-plus-quelle-religion-qui-de-toute-façon-est-meilleur-que-toutes-les-autres. Tes voisins sont tes meilleurs amis (et pas seulement parce que leur derrière et à moins de 20 centimètres au dessus de toi quand tu dors) mais parce que il y a franchement pas grand-chose à faire. On peut dans ce cas aisément imaginer le jeune aventurier, griffonnant dans son calepin des poèmes et des histoires épiques, à la lumière ocre du crépuscule de la jungle sauvage. Lisant parfois, rêvassant souvent, le regard loin au dessus de l’horizon sur fond des rires des enfants indigènes à moitié nu.


Ben en faite pas du tout. Pour ce qui est des crépuscules et de la lecture je veux bien, mais le reste… J’ai passé le plus clair de mon temps à parler informatique avec mon voisin de gauche, de la façon de draguer une européenne avec mon voisin de droite et pour le reste, j’ai monté un mage lvl 26 à Diablo 2 (jeu vidéo). Ah, et les enfants, ils avaient des T-shirt Justin Bieber, One Direction et Iron Man. L’Amazonie, c’est vraiment plus ce que c’était.



Bateau de gringo

Les copains



Après 5 jours de farniente, et la tentative plutôt gênante de mes voisins à vouloir me marier à toutes les femmes à bord, nous somme arrivé à Iquitos.

Iquitos, c’est une ville qui me faisait frissonner à l’époque de la préparation du voyage. La grande particularité de cette petite ville de 460'000 habitants, c’est qu’elle n’est accessible seulement par avion ou par bateau. Elle a explosé avec la fièvre du caoutchouc début du siècle passé. De cette époque, il ne reste plus que les grands bâtiments coloniaux qui donnent une atmosphère particulière à la citée.


Le moto taxi est roi.





Cette ville est par contre un peu pénible pour un étranger. On t’harcèle constamment pour te vendre des tours dans la jungle, pour de l’ayahuasca (drogue hallucinogène très réputée de la jungle) ou pour te vendre de l’artisanat souvent de mauvais qualité. J’ai eu l’occasion de visiter les bas-fonds de Belen avec un junkie. Belen est le quartier le plus pauvre de la ville, un bidonville. Il m’a invité dans sa maison dans le seul but que je lui paie des verres, malgré mon avertissement que je n’avais certainement pas plus d’argent que lui.  (ce qui est vrai, je voyage depuis juillet avec un budget journalier de moins de 5 CHF, lui, il avait un écran plasma dans sa cahute). Beaucoup de gens tiennent le discours qu’avec l’argent des touristes, ils peuvent sauver leur village indigène de l’extinction. En pratique, ils utilisent souvent cet argent pour se prendre des mines monumentales et donnent une image glauque aux vrais groupes d’aide aux peuples indigènes. J’ai laissé mon triste ami après lui avoir payé son verre de mauvais alcool fort (vendu par une gamine de 6 ans).


C’est à Iquitos que je me suis fait volé pour la première fois. Première fois en quasi deux ans de voyage, c’est un bon score. Donc je raconte : Je me suis rendu au marché populaire comme je le fais toujours, j’ai acheté 3 oignions à une grosse femme et j’ai remis ma petit bourse dans la poche extérieur de mon sac. J’ai marché 400 mètres et puis je me suis dis que c’était pas du tout une bonne idée de la laisser là. Je ne le fais jamais en plus. Mais c’était déjà trop tard. La poche était grande ouverte et vide. Je n’ai rien senti. Heureusement, ce n’était que de l’argent, et il n’y avait franchement pas grand-chose. Une erreur de débutant…


Vue depuis le centre de la ville.




Iquitos, malgré une ambiance un peu pesante c’est aussi pour moi le début d’une aventure un peu folle. Depuis mai déjà, j’ai dans la tête de rallier l’équateur par la jungle avec mon embarcation rien qu’à moi. Le plan est simple. Acheter un petit bateau avec l’argent qu’il me reste, et le revendre en Equateur où la vie est plus chère, et du coup, où je devrai pouvoir le revendre au même prix.


L’entreprise est périlleuse. Je ne connais absolument rien en manœuvre de bateau (la dernière fois que j’en ai manipulé un, ça c’est soldé par un naufrage pathétique sur le lac de Neuchâtel), je ne connais absolument rien à la jungle et ses dangers et je ne connais absolument pas le fleuve que je devrai emprunter pour arriver à bon port. C’est autant de bonnes raisons pour le faire non ? :)


Le port



J’ai donc commencé par traîner un peu au port, discutant avec les pêcheurs sur le prix des Peque-Peque, leur utilisation et la possibilité d’arriver entier en Equateur. Visiblement je ne suis pas le premier à vouloir le faire. L’entreprise est donc bel et bien risquée, mais faisable. Je tombe finalement sur le bon. Un tout petit bateau, un peu vieux mais avec un toit et une gueule génial. Le propriétaire me propose de le remettre à neuf avec son oncle charpentier et de m’apprendre les rudiments de la navigation. J’ai pas réfléchi deux fois ! Marché conclut ! Je passe donc une semaine avec eux, entre les réparations, les sorties d’apprentissages de manœuvres et de pêche. Parce qu’il faudra bien se nourrir pendant ce voyage. Pour info, le bateau (7m de long) m’aura coûté 200 CHF, le moteur neuf 100 CHF. Un héro est né, je vous présente : Capitán Cris !



Capitán Cris !


Réfection totale


Le charpentier.

Le capitaine qui pêche pour la première fois.



Pour ma formation, j'ai même promené des gros touristes.


Je prends également la décision de recruter un équipage. Il va falloir souvent vider l’eau de l’embarcation et des bras en plus ne seront pas de trop s’il se passe quelque chose de moche. En plus de ça, l’essence pour remonter le fleuve va me coûter un bras. Autant donc « inviter » des gens à partager les frais et le travail à bord non ? Je pensais que ce serai difficile de trouver des personnes assez folles pour me suivre. Dès la première journée, 8 candidats se sont manifestés pour m’accompagner. J’en retiens 3. Un voyageur à vélo (qui transporte une imprimante avec lui) et un couple d’artistes de rue. Tous argentins. L’équipage est recruté, il reste plus que quelques questions logistiques à régler et on pourra lever les amarres.





On prévoit un voyage de deux semaines, 200 litres d’essence, environ 1500 kilomètres en remontant le fleuve Napo, avec la possibilité de faire escale dans les nombreux villages que nous croiseront. Le jour J est arrivé. On ne le sait pas encore, mais on s’embarque dans une aventure qu'on ne sera pas prêt d'oublier !


La fine équipe.




On lève l’ancre un lundi, on a 5h de retard sur le programme. Les gens du port qui m’ont accompagné pendant une semaine sont tous là à nous regarder charger le bateau. Deux vélos, une foule de sacoches et 200 litres de gazoline ne passent pas inaperçu. L’ambiance est un peu spéciale. Il y a beaucoup d’émotion dans l’air. On quitte enfin le port, sous les cris d’encouragement des gens restés à terre. Nous, dans notre petit bateau, on tremble d’excitation. L’équipage m’appelle « Capitaine Cris ». Mon nouveau tricorne force le respect. Le bateau est baptisé naturellement « La Ilegal » car tous les passagers, l’embarcation et capitaine inclus, non pas les papiers en règle au Pérou. Le voyage promet d’être beau. Le passage de frontière palpitant.


Chargement de la Ilegal.

Vue depuis le poste de pilotage.



Les deux premiers jours sont un régal. On descend à une vitesse fulgurante le légendaire Rio Amazonas. Le fort courant aide à avaler les premiers kilomètres. On dormira sur le bord du fleuve. Moi dans le bateau, mon équipage dans leurs tentes. Le nombre d’insectes impressionnant pendant la nuit nous fera changer de tactique pour les prochaines nuits. Plus jamais les hautes herbes ! Petit coup de chaud quand même le deuxième jour. Dans une manœuvre un peu osée pour éviter un tronc de 5 mètre de long, le moteur se désaxe et tombe à moitié dans l’eau. In extremis, je m’agrippe de toutes mes forces à la machine. Si elle coule, s’en est fini du voyage. Mon second (oui parce que j’ai un second, je fais ce que je veux, c’est môa le capitaine) arrive rapidement à l’arrière du bateau pour m’aider à le hisser hors de l’eau. J’ai les coudes en sang, le moteur est complètement trempé mais redémarre quand même. On l’a échappé belle.


On entre dans le Napo, à contre courant, les choses sérieuses commencent.








Il faut savoir que le fleuve Napo est blindé de troncs et autres branchages super dangereux à la navigation. Certains troncs sont enterrés dans le sol et pointent à moins de 10 centimètres de la surface de l’eau, ce qui les cache complètement. Je me rends compte qu’ils sont là souvent trop tard, quand ils heurtent dans un bruit sourd la vieille coque en bois. Ça n’a pas loupé, le troisième jour, j’heurte de plein fouet et sur toute la longueur un tronc massif. L’accident nous fait quasiment chavirer. Le bruit est terrible et on se regarde tous, en silence, le visage blême, attendant de voir si la Ilegal n’est pas en train de sombrer. Visiblement non. Mais il y a une fuite à bâbord, le tronc a arraché une réparation de fortune que j’avais faites avec le charpentier une semaine auparavant. On s’arrête donc peu après sur une plage pour procéder à la réparation.








Aussi fou que ça puisse paraître  la réparation que j’ai faites, avec un bout de métal et des feuilles à tenu jusqu’au bout.


Ça c'est du travail de pro !


Cette nuit là sera une des plus mémorables. On endurera notre premier ouragan. Mon second dort dans le bateau pour que je puisse récupérer un peu dans ma tente. Il y a toujours quelqu'un dans le bateau, au cas ou les amarres lâchent ou que quelques pirates auraient de mauvaises intentions. L’eau tombe en trombe, le fleuve se déchaîne  les éclaires tombent très près dans un bruit assourdissant. J’entends crier depuis le bateau entre deux bourrasques « Capitaine Cris ! Capitaine Cris ! Le bateau coule ! Le bateau coule ! » Tout le monde sort en courant de la tente. Mon second est tétanisé, il a fumé une cigarette arc-en-ciel, ce qui n’aide en rien à voir posément les choses. Les éclaires tombent vraiment trop près. La queue de métal du moteur, de deux mètres de long, nous fait prendre conscience qu’il n’y a rien d’autre dans les environs pour faire para-tonner. Et puis il y quand même 200 litres d’essence à bord ! Un éclair et c’est le feu d’artifice ! Le couple repart rapidement dans leur tente, qui n’est pas étanche à l’eau. Ils l’a videront toute la nuit. Quand à la Ilegal, elle est dans 20 centimètres d’eau, elle ne risque pas de couler. Par contre j’emballe quand même la queue du moteur pour rassurer Séba, mon second. J’aide à vider le bateau et au bout de deux heures, rentre finalement dans ma tente. Rien n’explosera cette nuit là.





On repart donc le lendemain, un peu fatigué, prêt à affronter de nouveaux dangers !







Sur le bateau il y a toujours quelque chose à faire. Remplir les bouteilles de gazoline, remplir le moteur, vider l’eau, préparer à manger etc etc… Tout le monde commence à trouver sa place et les tâches à accomplir. On commence à avoir un rythme.

Les jours suivants se passeront sans problème notable. On fera connaissance des dauphins du Napo (oui, de vrais dauphins, tout gris, comme flipper, qui sautent de l’eau en rigolant). Ils sont beaux, joueurs, ils nagent juste devant le bateau ou sur les côtés, comme dans un rêve  On s’endormira même une nuit sur fond sonore de leurs chants.

(par contre impossible de les prendre en photos, saleté de poisson gris!)




Speeder, notre pire ennemi sur le Napo.
Son passage nous oblige un changement de direction pour couper ses vagues.




Libertad, premier village ou l’on fera une halte. S’arrêter dans un village de la jungle, coupé de tout, c’est en soi une aventure. Dans les plus grandes communautés, il n’y a de l’électricité que de 18h à 21h et les gens n’ont vraiment pas l’habitude de voir des étrangers. Quand on arrive, c’est pas 2 ou 3 personnes qui nous regardent débarquer, mais bien plus d’une trentaine de villageois. Tout le village est réuni là, ils nous regardent attentivement, sans dire un mot. Le premier contact fait, après nos explications du pourquoi du comment, les langues se délient. On apprend que les blancs ont une sacré mal réputation. On les appelle « pela cara » ou « peleur de visage ». Il y a des histoires comme quoi des étrangers enlèvent des gens pour leur peler la peau du visage ou leur voler des organes. Comme la communication n’est pas très bonne entre les villages, l’histoire grossie démesurément et les gens en viennent parfois à exécuter des étrangers, par simple peur.


Par chance personne ne nous exécutera ce soir là. On passera d’ailleurs un bon moment en compagnie des moins timides. On nous offrira même des bananes et du poisson.


Avenue centrale de Libertad
(il n'existe qu'une seule rue de toute façon)

Des curieux



Les jours passent à une vitesse hallucinante. On connait les difficultés quotidiennes. On passe avec moins de mal le second orage. Comme personne n’a d’argent on échangera les bracelets de mon second contre de la nourriture. Mon super filtreur d’eau que j’avais gardé dans mes sacoches plus d’un an et demi sans l’utiliser ne fonctionne pas vraiment, on profite des moments de pluie pour se recharger en eau et pour se doucher. Les jours secs, on fera comme tout le monde, on boira l’eau du fleuve (avec un peu de citron quand même, pour avoir l’impression de tuer les bactéries).

Une nuit, on se rendra compte avec stupeur que le fleuve croît rapidement. On s’était installé sur une plage comme à notre habitude mais l’eau est montée comme la marée. On a passé la nuit à déplacer les tentes et à trouver de nouveaux amarres pour la Ilegal.

On passera quelque nuits dans les différents villages. S’arrêter dans une communauté s’est souvent à double tranchant. D’un côté on est quasiment sûr de pouvoir faire du troc et obtenir des bananes et du poissons. D’un autre, on est obligé de subir le regard de 40 personnes quand on mange, quand on va dormir, ou quand on va aux toilettes. Les gens ne répondent pas forcément quand on leur pose des questions, c’est vraiment étrange le sentiment qui s’en dégage. Les seules personnes avec qui on peut vraiment discuter c’est en général les professeurs, qui viennent du centre du Pérou, ou de Lima. Avec les natifs, le manque de communication est déconcertant.


Cadeau pour nous, poisson et bananes !

Des curieux.

Dodo dans une cabane.



Au 10eme jour, on fera la connaissance des moucherons de la mort. On s’était presque habitué aux piqûres de moustiques (il n’y a pas un centimètre carré de mes bras ou de mes jambes qui n’a pas de piqûres  je ressemble au bonhomme Michelin, c’est effrayant) mais les moucherons de la mort, c’est un autre niveau de sauvagerie. Ils sont pas plus grands qu’une tête d’épingle. Une fois sur toi, ils te mordent en t’arrachant un petit bout de peau, et ça, ça fait très très mal. En plus de laisser un marque et te faire saigner,  ils t’attaquent en horde de 200 milles insectes qui conjuguent leurs efforts pour te faire souffrir et perdre totalement les pédales !!


En parlant d’insectes, un jour on s’est aventuré dans la jungle, juste pour voir. On a fait 50 mètres. Il y faisait une humidité atroce, on y voyait rien, j’ai senti sur mon pied une sorte de milles pattes de la grandeur de ma jambe et la fille du groupe est partie en criant avec une araignée poilues de la taille de ma main dans son dos. Ça aura été notre unique tentative de connaitre la jungle sauvage. On est un peu fou, mais pas suicidaire. On dirait que tout ce qu’il y a dans cet endroit est fait pour te tuer !



Tentative junglesque

On passera une bonne après-midi en compagnie d’une famille plutôt sympa. Le plus vieux était chaman et il nous a proposé de faire une session d’ayahuasca. Ces sessions, prisent avec cette plante hallucinogène, sont sensées te laver l’esprit et répondre à des questions enfouies en toi. On était plutôt enthousiaste à l’idée, mais les hommes se sont mis à boire. Ils sont devenu peu à peu irrespectueux et plutôt lourds, on est reparti bredouille. Tant pis pour la drogue, il nous reste des bananes.


La Ilegal en mode étendage.



Après quelques ouragans de plus et des journées éreintantes sous le soleil, on arrivera à la frontière avec l’Equateur. 16 jours se sont déjà écoulés. Le passage de frontière à Pantoja se fera avec moins de difficulté que prévu. Moi je paierai une amende, le couple passera un coup de téléphone à l’ambassade pour régler leur problème et mon second passera illégalement la frontière, caché dans le bateau. D’ailleurs, personne ne révisera le bateau et encore moins les papiers de celui-ci. Un jour de no man’s land entre le Pérou et l’Equateur est prévu. Notre dernière nuit sera terrible.


On s’approche d’une plage en fin d’après-midi, comme d’hab. On amarre le bateau solidement à un gros tronc. Pendant la soirée, on voit l’eau monter et se rapprocher de nos tentes. Personne ne panique, on a déjà vécu ça. C’était au tour de mon second de rester dans le bateau. Quelque chose me dit qu’il vaudrait mieux que je reste aussi dans la Ilegal, au cas ou. Le couple préfère déménager ses affaires et la tente à quelque mètre plus loin, sur une bute. L’eau est en train d’isoler la plage qui devient une île au centre du fleuve. Le courant est fort, je m’endors plus ou moins à l’arrière du bateau. Sur le coup des 2h, j’ouvre les yeux. Je vois au dessus de moi la cime des arbres défiler à grande vitesse. Cauchemar, l’amarre n’a pas tenu, on est en train de flotter librement sur le fleuve, et je ne sais pas depuis combien de temps. Je réveil mon second qui, sans surprise, panique. Le courant nous rapproche dangereusement du bord, là ou gisent tout les troncs. Les heurter de face pourrait nous faire chavirer. Étonnement je suis plutôt calme. Je prends conscience que si je ne prends pas la bonne décision rapidement, on perdra tout : nos affaires, le bateau ou pire… on ne vaut pas grand-chose dans cette jungle immense. Il fait nuit, le courant est fort, il y a des troncs partout. Je crie sur mon second pour qu’il se calme et pour qu’il reste à bâbords pour compenser le choc imminent avec les gros troncs proches de nous. Je remets en place le moteur et avec de grands coups de queue de l’hélice, je stabilise le bateau dans un bon angle. Je connais ma Ilegal, je sais de quoi elle est capable. On percute le bord du fleuve sans trop de casse, la première manœuvre à réussie. On est maintenant coincé parmi d’autres troncs. La Ilegal ne bouge plus. Mais beaucoup d’autres troncs sont charrié en amonts et si un seul arrive trop vite, il pourrait nous perforer la coque. Comme si ça ne suffisait pas, on sent de plus en plus de poids vers l’avant. Le tronc auquel on avait amarré le bateau est toujours attaché et est en train de nous entraîner vers le fond. Gentiment l’arrière du bateau commence à se soulever, type Titanic. Mon second panique de plus belle. Je lui donne mon couteau et lui somme de couper l’amarre le plus rapidement possible. Si il ne nous détache pas rapidement, on est cuit. Il se précipite à l’avant, commence à couper la corde en jurant de toutes sortes de choses. La corde est coupée, la Ilegal se stabilise, il nous faut maintenant sortir de là avant l’arrivée d’un tronc plus grand. De toutes nos forces on pousse la Ilegal de cet enfer. L’adrénaline décuple la puissance dans nos jambes. Le bateau se détache gentiment, jusqu’à flotter librement, enfin. Je démarre le moteur, tout se met en branle, on rejoint le milieu du fleuve… On est tiré d’affaire.


On s’arrête sur la première plage en vue. On descend du bateau, on se regarde et on éclate de rire. Le genre de rire hystérique, proche des pleures, qui vous libère de tout. Je tremble comme une feuille. On a lutté cette nuit là, on a lutté pour le peu qu’on avait. Et on est vivant !


Le lendemain on retrouvera nos amis resté sur la plage. Ils n’ont rien entendu. On arrivera à Rocafuerte (premier village équatorien) dans l’après-midi. La différence avec le Pérou est saisissante. Electricité, rues en béton, gens souriants et réveillés, c’est un vrai plaisir. On est sensé continuer encore 5 jours pour arriver au port principal (el Coca) qui nous relie avec Quito, la capitale. Mais on décide d’arrêter là. L’ambiance entre les argentins n’est pas bonnes depuis quelque jours, la nuit à été difficile et les 17 jours sur le fleuve nous ont tous lessivé. Mentalement et physiquement. En plus, j’aurai certainement plus de chance de vendre mon bateau ici. La décision est prise. On s’arrête là. On se prendra quand même une énorme cuite avec les gens du village le dernier soir. Au petit matin le couple s’en va avec un petit bateau de passager pour 30 dollars. Je trouve facilement un acheteur pour la Ilegal (même prix qu’à l’achat. Oui, je suis génial.) et une navette gratuite pour Coca (je suis doublement génial). La grosse surprise finale sera de me retrouver en face de Virgile !!! Virgile vous vous souvenez ? Le français avec qui j’ai traversé toute la Bolivie et la moitié du Pérou. Ce nigaud marchait tranquillement dans les rues du village le plus perdu du monde. Quand je l’ai vu j’avais l’impression de revoir un membre de ma famille. Grosse chance, je n’avais pas vraiment le moral mais le revoir m’a filé un bon coup de fouet ! Le hasard ne peut pas faire mieux les choses.








Une journée et demie plus tard, me voilà à Quito, d’où je vous écris ces mots. Je récupère gentiment de cette aventure qui n’aura pas été facile du tout. Manœuvrer la Ilegal m’a demandé beaucoup d’effort. La force qu'il fallait mettre dans les bras pour maintenir un cap ou pour éviter les obstacles était conséquent.  Etre attentif toute la journée m’a aussi beaucoup fatigué. Plus que voyager à vélo. Mon équipage n’était pas autant « aventurier » que je le pensais et ce sont beaucoup reposé sur moi. Ça m’a littéralement vidé. Je devais prendre toutes les décisions et j’avais parfois l’impression de traîner des enfants… Le voyage lui-même n’a été facile pour personne. Les insectes, la chaleur, la nourriture, la pluie et les multiples imprévus ont eu raison de notre moral. Même si au final, c’était une sacrée aventure ! Et je ne regrette pas de l’avoir faite ! Capitán Cris n’est pas mort. Et il est prêt pour une aventure encore plus grande! (mais chute, je vous réserve ça pour plus tard)





Equateur expresse


On peut pas tout voir, même en plus de deux ans de voyage. J’ai rendez-vous en Colombie pour passer noël avec des amis colombiens de Suisse. Une invitation que je ne veux pas refuser. Je suis arrivé à Quito en bus, j’en repartirai par le même biais. Je n’ai pas le temps de traverser le pays à vélo et d’arriver pour les fêtes à Cali, dans le sud de la Colombie. Je garde donc l’Equateur pour un prochain voyage. Mais voici quand même quelque photos de Quito et du centre du monde !





Centre du monde.

 Hémisphère sud / Hémisphère nord


Je n’ai passé que deux semaines dans ce pays, et pour l’instant c’est un sans faute ! Les équatoriens sont géniaux et Quito est splendide !




C’est sur ces mots que je termine l’année 2013, qui a été forte en émotion. 2014 sera pour moi l’année de mon retour en Europe. Vous le savez déjà surement, je ne peux pas louper l’heureux évènement annoncé en septembre. C’est pas souvent qu’on est invité au mariage de sa maman. Un retour donc mais de belles aventures en perceptive avant ça : la Colombie tant attendue, le Venezuela et ses imprévus mais surtout : LES CARAÏBES !!!!




Joyeux noël et bonne année les enfants !




PSS: Le texte bug au niveau de la forme, il change de taille et de police tout seul. Je ne sais pas encore pourquoi. Pardonnez cet inconvénient