jeudi 23 mai 2013

Sud Lipez


Après 3 semaines de pause à Antofagasta, j’ai pris le bus direction Calama. J’ai rendez-vous avec les belges à San Pedro et je ne veux pas les faire attendre. On doit faire ensemble le Sud Lipez. Et ça, ça va être un sacré morceau !



Une fois  à Calama, je prévois l’après-midi pour aller voir, de loin, la mine de Chuqui. Chuquicamata c’est le nom donné à la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde. Rien que ça. Oui mais voilà, on ne rentre pas si facilement dans « la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde ». Après avoir monté les 15 kilomètres depuis Calama, je m’arrête dans une caserne de pompier à 3 kilomètres de l’entrée pour vérifier si c’est possible de voir la mine de loin, au moins. La réponse du pompier est clair : « T’es fou ! Pour voir la mine, il te faut un laissez-passer. En plus tu dois entrer par la Porte 4. Là bas, il y a des gars armés qui ne rigolent pas du tout. En plus, si t’arrive comme ça avec ton vélo et tes bagages, ils sont capable de te tirer dessus ces cons là ! »

Tant pis pour la mine, je me contenterai de la description du pompier.

"La mine est tellement grande qu’il nous faut plus d’une heure avec le camion pour y aller jusqu’au fond. Tu vois la montagne derrière nous ? Ben c’est pas une montagne, c’est les résidus de la mine. En dessous il y avait un village. C’est ce village qui s’appelle Chuquicamata. Mais rien n’arrête Codelco (entreprise national minière et porte-monnaie du pays). Quand ils ont commencé à creuser, les résidus arrivaient toujours de plus en plus près du village jusqu'à l’ensevelir complètement. L’état n’a rien fait, l’argent en jeu était beaucoup trop important. Ils ont fini par évacuer les gens dans l’indifférence générale. On avait pourtant le meilleur hôpital du pays ici. Tout a disparu.

Si non t’as vu les camions de la mine ? Leurs roues font 9 mètres de haut ! C’est dingue non ?"


Je repars donc gaiement direction San Pedro, sous les klaxons encouragent des camionneurs et autres chauffeurs. 2 jours de vélo dans le désert avec un petit col à 3500m






J’arrive à San Pedro en fin d’après midi et croise par hasard les belges dans la rue. Si c’est pas bien fait le hasard.

San Pedro c’est rigolo, c’est une sorte de parque d’attraction internationale. Dans la rue principale ça parle anglais, français, allemand, israélien, espagnol … Les prix sont gonflés arbitrairement (ça dépend de ton accent) et les locaux de tours touristiques pullulent dans tout les coins. Il y a près d’une dizaine d’endroits visitable près du village. Et c’est franchement des endroits pas banals. Une des stars c’est la vallée de la lune :



20 minutes avant le coucher du soleil

5 minutes avant le coucher du soleil


Il y a aussi des geysers, des lagunes, la vallée de la mort et le tour de 4 jours dans le Sud Lipez. Avec des espagnoles on est allé dans une lagune de sel flotter sans bouger (comme la mer morte) et faire du snowboard dans des dunes de sable. Un véritable parque d’attraction j’vous dis !


Sud Lipez

La vraie raison de nos petites vacances à San Pedro c’est pour nous préparer aux 2 semaines à venir. La traversée du Sud Lipez. En gros, le Sud Lipez vous est présenté de cette manière :

- Plus de 500km de mauvaise route (ripio, taule ondulée, sable, cailloux)

- Altitude généralement entre 4500m et 5000m. (manque d’oxygène)

- 12 jours de traversée dont 8 en complète autonomie. (plus de poids sur le vélo)

- Température la nuit pouvant atteindre -15° à -20°. (on va se les geler)
- Paysages époustouflants, volcans, bains thermaux et flamants roses qui méritent visiblement de frôler la mort pour les voir.


Un programme réjouissant avec comme récompense finale la traversée du Salar D’Uyuni, le plus grand salar du monde. Oui, la région c'est spécialisé dans « le plus grand du monde ».

Avant de vous conter cette fabuleuse aventure, je tiens à vous présente Virgile, nouveau membre de notre Dream-Team rencontré dans les rues de San Pedro. Sous ses airs de jeune timide informaticien, il vient de fêter ses deux ans de voyage à travers le monde. 22’000km de vélo entre l’Europe du nord, l’Afrique et l’Amérique du sud, traversée de l’atlantique à la voile, grand fan de Mike Horn, adepte des chansons françaises ringardes et des jeux de mots pourris, c’est le parfait compagnon de voyage. Virgile il est français, mais c’est pas grave, il est sympa.

Virgile, aux prémices de son voyage.

Les photos qui vont suivre proviennent en partie de Virgile et de Jérôme. Merci à eux.

J - 1

On démarre la journée avec 45 minutes de retard (merci Virgile), les vélos surchargés de nourriture et d’eau. On est frais, on est fort, on sait qu’on doit monter à 4650m et on sait aussi qu’on arrivera pas à le faire en un seul jour. Deux jours de montée, juste de la montée.

L'objectif : passer derrière le deuxième volcan.




La phrase de Cindy au bout de 10 kilomètres résume assez bien la situation : « Je sais pas si je dois pleurer maintenant ou si j’attends la pause de midi. » C’est dur, très dur. Les vélos sont tellement lourd et la pente tellement raide qu’on avance moins vite qu’à pieds.




On fera seulement une petite trentaine de kilomètre ce premier jour. On campe exténué au bord de la route.

J - 2

Après une nuit fraîche on reprend les vélos et on … monte. Encore et encore. C’est une fois passé les 4000m que ça devient vraiment difficile. Chaque poussée est un effort, chaque effort nous coupe le souffle. Evoluer aussi haut c’est nouveau pour moi. On avance tous lentement, mais on avance.

Premiers lamas !


Et puis en fin d’après midi c’est la libération, on arrive enfin au col frontière. Je regarde une dernière fois en arrière. J’ai un petit pincement au cœur en quittant le Chili. Jusqu’ à maintenant j’avais un peu l’impression d’être à la maison. Maintenant je redeviens étranger à l’étranger.

Chau chau Chili, à bientôt.




Poste frontière


Après avoir réveillé les gardes frontières de leur lourde sieste, on descend vers l’entrée du Parc National ou on passera la nuit au refuge. La gardienne avait ses habits traditionnels, sa fille de 2 ans n’avait pas dû se laver les cheveux depuis sa naissance et la chambre avec des crottes de chien nous a couté 20bol chacun (3.-CHF). Ça fait pas trois heures qu’on est en Bolivie et ce pays tient déjà toutes ses promesses !


J - 3

Cette fois ça y est, on y est. Mauvaise route, paysages époustouflants.



Laguna Verde









Récompense de l’étape après une journée épuisante, les termes chaudes de Chalviri. On sera « invité » par la propriétaire du petit restaurant à dormir dans la salle à manger. La première condition c’est de se lever à 6h30 avant que les premières jeep de tours arrivent, la seconde c’est de payer quand même quelque chose. Mais ça on le saura seulement le matin en partant.



Il est 6h30 du mat' et c'est 17 jeep qui sont venues nous réveiller. Une jeep compte 5 touristes.
Je vous laisse faire le calcule du nombre de gens dans la salle à manger.

Hier soir, on a eu la chance de s'y baigner tout seul !


J - 4

Etape plutôt importante, on est sensé atteindre les 5025m d’altitude aujourd’hui. Personne d’entre nous n’est jamais allé aussi haut, encore moins avec un vélo. Inutile de vous rappelez que la route est mauvaise, que le manque d’oxygène nous fait avancer comme des larves et que chaque coup de pédale est un effort titanesque.


On dirait pas, mais lever ce point m'a diantrement coûté.

5025m ... Content !


Ce soir on campera proche de la Laguna Colorada. Nos bouteilles gèlerons pendant la nuit. La routine quoi.






J - 5

La Laguna Colorada, mes amis, c’est beau, très beau. Le vent qui vient chatouiller la surface de l’eau active les algues qui rendent la lagune rouge ocre. Rajoutez à ça les flamants roses et vous avez là un des meilleurs paysages du Sud Lipez.





Dans le sable, pas de miracle.


Chaque ligne est une piste différente.


Ce soir on campera à « l’arbre de pierre ». Une fois sur place, on est pris d’assauts par les  visiteurs étrangers qui nous assaillent de questions. Pas facile de répondre à tout le monde en 3 langues différentes après une journée éreintante.

People au milieu de nulle part

L'arbre de pierre

Campement caché


J – 6

Réveille historique ! Cette nuit il a fait froid, très froid. Trop froid en réalité. En me réveillant ce matin, je sors la main de mon sac de couchage pour le tirer au dessus de moi. Lorsque je touche l’extérieur de mon sac j’hallucine : il est entièrement recouvert de givre. Pareil pour celui de Virgile, le gèle a envahie tout l’intérieur de la tente. En touchant les parois c’est comme une fine neige qui nous tombe sur le visage. Vu les rires et les cris dans la tente d’à côté, ils ont visiblement subit le même sort.

P'tit dej difficile après LA nuit glaciale

Gants aux pieds


On prévoit ce soir de dormir près de l’Hôtel du désert, ou même dedans si c’est possible. Comme les chambres sont à 100 dollars on espère au moins pouvoir dormir dans un couloir. La bonne surprise c’est que les deux jeunes présents acceptent de baisser de 10x le prix pour une chambre luxueuse avec chauffage et eau chaude. Pour couronner le tout on mangera gastronomique pour trois fois rien. Moi j’aime bien cette aventure.


J  7 - 8

Mauvaise route, paysages époustouflants. Vous connaissez le refrain. Le premier soir on dort de nouveau dans un hôtel, mais dans le couloir cette fois. Le second dans un canyon, à l’abris du vent.




Pirate fatigué








J – 9

Joie ! Aujourd’hui on traverse un petit salar et on dormira à San Juan, petit village signant la fin de la partie « difficile » de ce Sud Lipez.








J – 10

Mauvaise route …. Blablabla 



J  11 - 12

Après quasiment deux semaines de galère, on atteint enfin le Salar de sel tant attendu. Il est grand, il est blanc, il est froid. La seule différence notable  avec de la neige c’est qu’on peut pas écrire son nom en faisant pipi dessus.



Pause dans le grand vide.




Comme on est des gens bien on a décidé de camper en plein milieu du salar. Un peu frisquet mais le ciel étoilé en valait largement la peine.

Virgile la folle



Bilan ?


Entre nous, ce Sud Lipez, c'était pas si difficile que ça. On en a fait tellement une montagne avant de s'y rendre qu'on s'était préparé à bien pire. Alors oui on a eu très froid, oui on arrivait plus à s’asseoir sur la selle au bout du 5ème jours sans gémir de douleur, oui les routes étaient dégueulasses et il a fallu pousser dans le sable sur d'interminables kilomètres, oui on a souvent manqué d'air et on dépassait rarement les 40km par jour. Mais jamais on a pensé abandonner. Et puis on savait ou on mettait les pieds, on y était préparé. Les cartes qu'on avait étaient assez précises, l'eau n'a jamais été un souci et les 4x4 qu'on nous avait annoncé comme notre "pire cauchemar" se sont avéré en général plutôt respectueux et même très sympathique. La vraie difficulté a résidé peut être dans la longueur du passage. Deux semaines de galère c'est pas facile physiquement et mentalement. Personnellement j'ai senti que sur le Salar, je n'avais plus de force. Je donnais tout ce que j'avais mais mes jambes refusaient d'avancer. On est finalement tous arrivé sain et sauf dans la petite ville d'Uyuni où nous avons mangé comme des ogres et dormi comme des loirs, fière d'avoir accompli ensemble cette étape clé de notre voyage.




La prochaine fois je vous raconterai comment c'est trop bien la Bolivie. En attendant, faites du sport mangez gras, c'est la santé !

Tschüss




EDIT :Le même récit écrit d'une autre main http://www.enviecyclette.com/episode-21/