Sortir d’une grande ville à vélo, c’est toujours une
aventure en-soi. Il faut passer par la zone industrielle, les quartiers
pauvres, zigzaguer entre les nombreux camions et tout ça sur des routes bien
dégueulasses. La différence c’est que aujourd’hui, je rejoins pour la première
fois la Ruta 3. Cette route mythique, que j’ai toujours réussi à éviter jusque
à maintenant, relie Buenos Aires à
Ushuaia en 3060km. Comme elle est bétonnée tout du long et pas trop mal
entretenue, c’est LA route pour descendre vers le sud. Quand je dis LA route,
c’est LA route => camions-voitures-motos-bus. Autant vous dire que ça fait
du monde. Et ça roule vite, très vite. Forcément avec des virages comme ça :
Donc je me lance plein sud direction Carmen de Patagones,
qui est la dernière ville de la province de Buenos Aires.
LA bosse de l'étape. Véritable grand 8. |
Ces trois jours de descente vers le sud (ça descend pas
vraiment hein, c’est juste sur ma carte que ça descend) seront marqués par… une
crevaison ! Et oui fallait bien que ça arrive à un moment ou à un autre. En
réalité j’ai eu 4 crevaisons sur deux jours. Donc j’explique l’histoire :
la première fois je sens que j’ai un peu plus de peine à avancer que d’habitude.
Je regarde avec crainte mes roues parce que forcement je suis au milieu de nulle
part, c’est la fin de l’après-midi, il fait froid et que j’ai quand même bien
envie d’arriver au prochain village avant la nuit. Plus de doute, mon pneu
arrière est mort. Je descends du vélo, ne désespère pas et marche en poussant
le vélo sur un kilomètre afin de trouver un lieu potable pour détacher toutes
mes affaires et changer ma chambre à air. Deux voitures se sont arrêtées pour
me demander si j’avais besoin d’aide. Sont quand même sympa ces argentins. Finalement
je trouve un lieu, retourne le vélo, prépare tous les outils et me mets à
réfléchir « Bon, c’est quand la dernière fois que tu as changé une chambre
à air ? mmmh… oui c’est bien ce qu’il me semblait aussi. J’avais 6 ans,
c’était sur mon tricycle et c’était une roue en bois… en bois… Bon sang. »
C’est fou comme on peut se sentir seul quand on se retrouve au milieu des
champs en Argentine, qu’on veut faire le tour d’un continent à vélo et qu’on se
rend compte qu’on à JAMAIS CHANGER DE CHAMBRE A AIR DE SA VIE.
Pas de panique, j’ai vu plein de gens le faire, ça doit ne
pas être trop compliqué. Donc je desserre les freins, enlève la roue mais peine
à enlever le pneu. C’est à ce moment qu’une voiture s’arrête à ma hauteur et
qu’un type de mon âge en descend. Il me demande si il peut m’aider et sans
attendre ma réponse me prend la roue des mains, enlève le pneu, change la
chambre à air et remet le pneu. On discute un peu pendant qu’il gonfle le tout
et me remet la roue en place. En moins de 20 minutes l’affaire était réglée
sans rien faire et sans rien demander. Le gars repart tout content d’avoir pu
m’aider parce qu’il me dit adorer les vélos.
Le soir même, j’arrive comme prévu dans le village étape
mais le hic c’est que c’est la fête annuelle de la région. Il y a donc plein de
gens partout et pas moyen de trouver un camping ou un lieu pour la nuit. Comme
tout le monde me regarde avec des grands yeux et que je deviens rapidement
l’unique centre d’attention dans la foule, je décide de revenir à l’entrée du
village pour camper vers la station service (sachant que c’est synonyme de
toilettes, douches et nourriture). Juste à côté il y a un petit parc de
location de cabanons. Je tente ma chance une dernière fois et demande au propriétaire
si il reste une place. Evidement tout est complet mais il répond favorablement
à ma demande de camper dans un coin du parc. Dix minutes plus tard, il revient
vers moi et me dit que comme de toute façon j’allais avoir bien assez froid en
descendant à Ushuaia, ça ne servait à rien de me faire du mal ce soir. J’ai
donc dormi au chaud, dans la salle de fête de l’établissement, avec un lit que
ce bon vieux René a sorti exprès pour moi.
Elle était pas si mauvaise cette journée…
Carmen de Patagone |
Les 3 autres crevaisons sont arrivées bêtement. La nouvelle
chambre à air était en fait trouée. Je l’ai donc remplacée par l’ancienne que
je croyais avoir bien réparé. Mais en fait non. J’ai donc remplacé une
troisième fois le tout avec ma dernière chambre à air. Maintenant je peux
changer la roue d’un vélo les yeux fermés.
Après avoir passé la frontière de la province pour entrer
dans celle du Rio Negro, c’est une nouvelle aventure bien différente qui a
débutée pour moi. Je décide de prendre une petite route qui longe la côté sur
près de 250km. Normalement, je suis sensé pouvoir le faire en 3 jours mais ça
m’en a pris 5. Pourquoi? Premièrement parce que je me suis
arrêté toutes les 20 minutes les premiers jours pour admirer le paysage
océanique époustouflant. Deuxièmement parce que la route était vraiment
merdique. Entre les cailloux et le sable, j’ai du pousser le vélo sur près de
50 km. A ça on rajoute le vent et le manque d’eau pendant deux jours parce que
je n’ai rencontré absolument PERSONNE et on obtient l’étape la plus difficile
physiquement que j’ai faite jusque à maintenant. Mais comme le paysage était
réellement spectaculaire, ça en valait amplement la peine.
Le point noir sur la plage, c'est un pêcheur. |
Je prends le temps de m’arrêter quelque jours dans le port
de San Antonio pour me reposer et pour réparer le vélo qui a lui aussi bien
souffert. En arrivant au centre, je demande à 3 hommes où je peux trouver l’hôtel le moins cher du coin. Un des types
me demande jusqu’à combien je peux mettre, je lui dis mon prix et il me
répond : « Alors regarde, juste au coin de la rue là, c’est le
meilleur hôtel que tu puisses trouver mais c’est le double. Comme y a pas de
client en ce moment tu peux négocier et je suis sûr que t’arriveras à un bon
prix. » Devant mon air dubitatif il se lève et se dirige vers l’hôtel en
me faisant signe le suivre. Arrivé dans la réception il gueule « Hey
regardez, ce gars arrive de Buenos Aires avec son vélo et va à Ushuaia, faites
lui un prix, soyez sympa ! ». Il discute 2 minutes avec le
propriétaire et ils tombent d’accords sur un prix dérisoire pour deux nuits. Il
me fait un clin d’œil, une tape dans le dos et repart en me souhaitant bon
voyage. J’ai un peu halluciné et me suis réellement rendu compte de ce qui
s’est passé une fois seul dans cette chambre de luxe qui ne m’a quasiment rien
coûté.
Beau !
Les 280 km restant pour rallier Puerto Madryn étaient
vraiment tristes géographiquement. Je me suis retrouvé en pleine région semi-désertique
avec un seul village sur trois jours. Pas de paysage, un vent de face et pas de
possibilité de parler avec des gens. Sur ce côté du continent, c’est comme ça
sur les 1500km suivant…
Passage dans la province de Chubut. |
Puerto Madryn
Haaa Puerto Madryn, ville touristique par excellence, hyper
connu pour sa péninsule Valdès qui a la particularité d’abriter des baleines,
des orques, des dauphins, des pingouins, des éléphants de mer et autres joyeusetés
marines. C’est un peu le Disney Land des animaux. La ville est très charmante
et regorge d’activités et d’excursions à faire dans la région. Par contre, il y
a juste un mois dans l’année où il n’y a pas de baleines, d’orques de dauphins
et de pingouins. Et c’est le mois de… Mai ! Bon, avant de partir je savais
que je n’allais pas voir grand chose. Un peu déçu de pas avoir vu la colonie de
1 millions de pingouins mais j’ai vite rattrapé le coup en passant la journée
avec des bêtes bien plus grosses !
J’ai rejoins une excursion « éléphant de mer »
prévu pour une allemande et un tchèque de mon hostel. L’excursion consiste à
faire 1 heure de voiture avec un guide pour approcher ces grosses larves grises.
Je m’attendais à l’après midi un peu ennuyeuse avec une vieille guide et des jumelles
pour voir les animaux, en réalité ce fut tout le contraire ! On s’est
retrouvé avec deux guides de 25 ans complètements barrés et bien marrants. Ils
nous ont emmené sur des chemins pas du tout officiels pour descendre sur la
plage et approcher de très très près les bestioles. Je pense que les photos
valent mieux qu’une description :
Les "guides" |
En plus, je suis tombé sur un hostel vraiment sympathique (La casa de
Tounen). Il est tenu par Vincent et Gilda, un couple franco-argentin. Comme on
était que 4 à y séjourner, c’était un peu comme si on était à la maison.
Histoires brèves
- J’ai perdu mon pull thermique. Il s’est détaché du vélo avec
le vent. Je suis revenu sur 5 km pour le retrouver en vociférant toutes
les insanités possible en français et en espagnol quand je m’en suis rendu compte.
Sur le coup, ça ma vraiment énervé. J’ai déjà pas beaucoup d’habits alors si je
perds les seuls importants, chauds, et chers, c’est vite emmerdant. J’en ai
donc acheté un autre à Puerto Madryn qui m’a coûté un bras. La bonne nouvelle,
c’est que j’ai un membre en moins à chauffer maintenant.
- Diablo III sort dans 4 jours et je peux même pas jouer au démineur sur mon netbook.
- Sur la route merdique de la côte, j’ai à deux reprises lancé
mon vélo de rage sur la route en lui mettant des coups de pieds et en gueulant
parce que je ne pouvais pas avancer dans le sable et contre le vent. Depuis, on
s’est réconcilié.
- 90% des camionneurs croisé sur la route klaxonnent,
applaudissent ou font des signes d’encouragement quand ils me voient passer. Je
suis un peu un héros en fait.
- Le soir dans ma tente, quand je suis au milieu de nul part,
je joue à Donkey Kong. Je suis geek, et je n’ai pas honte.
- Un jour, un camionneur, au lieu de m’encourager, il m’a fait
un fuck. Comme ça. Pour rien.
- Sur la route de la côte, j’avais prévu de rejoindre un point
d’eau en fin de journée parce que je n’avais plus rien. Le problème c’est
qu’avec le vent je n’ai pas pu l’atteindre et j’ai donc bivouaqué à contrecœur
sur le côté de la route sans rien pour boire ni manger de la soirée (sans eau,
pas de cuisine). Le lendemain, je me suis rendu compte que j’étais en fait à 1
km de ce fameux point d’eau. Bordel.
- En arrivant la première fois devant l’océan, je me suis
retrouvé au dessus d’une colonie de perroquet. En s’envolant, les piafs on
voulu me passer par-dessus mais avec la force du vent contraire, ils ne
faisaient que du surplace. Je me suis retrouvé devant un millier de perroquet à
moins d’un mètre de moi, asseyant vainement de voler en faisant un boucan
assourdissant. Expérience zoologique des plus intéressantes j'ai envie de dire.
Et pour finir en beauté, on se quitte avec l’épisode 2 qui
retrace les paysages de Buenos Aires à Puerto Madryn !
Y a du changement prévu pour la suite du voyage. Mais ça, c'est pour le prochain billet !
TCHO
AHAHAHAHAH t incroyable mon gars!
RépondreSupprimerGood job et good luck!!
A ce moment de ton récit, je me rends compte... mois de mai... ce serai pas une drôle de période pour rejoindre Ushuaia...? Mais c'est bien sur, les saisons étant inversées, c'est bien l'hiver qui approche! Un audacieux ce Cristobal...
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