Après 3 semaines de pause à Antofagasta, j’ai pris le bus
direction Calama. J’ai rendez-vous avec les belges à San Pedro et je ne veux
pas les faire attendre. On doit faire ensemble le Sud Lipez. Et ça, ça va être
un sacré morceau !
Une fois à Calama, je
prévois l’après-midi pour aller voir, de loin, la mine de Chuqui. Chuquicamata
c’est le nom donné à la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde. Rien
que ça. Oui mais voilà, on ne rentre pas si facilement dans « la plus
grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde ». Après avoir monté les 15
kilomètres depuis Calama, je m’arrête dans une caserne de pompier à 3
kilomètres de l’entrée pour vérifier si c’est possible de voir la mine de loin,
au moins. La réponse du pompier est clair : « T’es fou ! Pour
voir la mine, il te faut un laissez-passer. En plus tu dois entrer par la Porte
4. Là bas, il y a des gars armés qui ne rigolent pas du tout. En plus, si t’arrive
comme ça avec ton vélo et tes bagages, ils sont capable de te tirer dessus ces
cons là ! »
Tant pis pour la mine, je me contenterai de la description du
pompier.
"La mine est tellement grande qu’il nous faut plus d’une
heure avec le camion pour y aller jusqu’au fond. Tu vois la montagne derrière
nous ? Ben c’est pas une montagne, c’est les résidus de la mine. En
dessous il y avait un village. C’est ce village qui s’appelle Chuquicamata.
Mais rien n’arrête Codelco (entreprise national minière et porte-monnaie du
pays). Quand ils ont commencé à creuser, les résidus arrivaient toujours de plus
en plus près du village jusqu'à l’ensevelir complètement. L’état n’a rien fait,
l’argent en jeu était beaucoup trop important. Ils ont fini par évacuer les
gens dans l’indifférence générale. On avait pourtant le meilleur hôpital du
pays ici. Tout a disparu.
Si non t’as vu les camions de la mine ? Leurs roues font 9 mètres de
haut ! C’est dingue non ?"
Je repars donc gaiement direction San Pedro, sous les
klaxons encouragent des camionneurs et autres chauffeurs. 2 jours de vélo dans
le désert avec un petit col à 3500m
J’arrive à San Pedro en fin d’après midi et croise par
hasard les belges dans la rue. Si c’est pas bien fait le hasard.
San Pedro c’est rigolo, c’est une sorte de parque
d’attraction internationale. Dans la rue principale ça parle anglais, français,
allemand, israélien, espagnol … Les prix sont gonflés arbitrairement (ça dépend
de ton accent) et les locaux de tours touristiques pullulent dans tout les
coins. Il y a près d’une dizaine d’endroits visitable près du village. Et c’est
franchement des endroits pas banals. Une des stars c’est la vallée de la
lune :
20 minutes avant le coucher du soleil |
5 minutes avant le coucher du soleil |
Il y a aussi des geysers, des lagunes, la vallée de la mort et
le tour de 4 jours dans le Sud Lipez. Avec des espagnoles on est allé dans une
lagune de sel flotter sans bouger (comme la mer morte) et faire du snowboard
dans des dunes de sable. Un véritable parque d’attraction j’vous dis !
Sud Lipez
La vraie raison de nos petites vacances à San Pedro c’est
pour nous préparer aux 2 semaines à venir. La traversée du Sud Lipez. En gros,
le Sud Lipez vous est présenté de cette manière :
- Plus de 500km de mauvaise route (ripio, taule ondulée,
sable, cailloux)
- Altitude généralement entre 4500m et 5000m. (manque d’oxygène)
- 12 jours de traversée dont 8 en complète autonomie. (plus de poids sur le
vélo)
- Température la nuit pouvant atteindre -15° à -20°. (on va se les geler)
- Paysages époustouflants, volcans, bains thermaux et flamants roses qui méritent
visiblement de frôler la mort pour les voir.
Un programme réjouissant avec comme récompense finale la
traversée du Salar D’Uyuni, le plus grand salar du monde. Oui, la région
c'est spécialisé dans « le plus grand du monde ».
Avant de vous conter cette fabuleuse aventure, je tiens à
vous présente Virgile, nouveau membre de notre Dream-Team rencontré dans les
rues de San Pedro. Sous ses airs de jeune timide informaticien, il vient de
fêter ses deux ans de voyage à travers le monde. 22’000km de vélo entre
l’Europe du nord, l’Afrique et l’Amérique du sud, traversée de l’atlantique à
la voile, grand fan de Mike Horn, adepte des chansons françaises ringardes et des jeux de mots pourris,
c’est le parfait compagnon de voyage. Virgile il est français, mais c’est pas
grave, il est sympa.
Virgile, aux prémices de son voyage. |
Les photos qui vont suivre proviennent en partie de Virgile et de Jérôme. Merci à eux.
J - 1
On démarre la journée avec 45 minutes de retard (merci
Virgile), les vélos surchargés de nourriture et d’eau. On est frais, on est
fort, on sait qu’on doit monter à 4650m et on sait aussi qu’on arrivera pas à
le faire en un seul jour. Deux jours de montée, juste de la montée.
L'objectif : passer derrière le deuxième volcan. |
La phrase de Cindy au bout de 10 kilomètres résume assez bien
la situation : « Je sais pas si je dois pleurer maintenant ou si
j’attends la pause de midi. » C’est dur, très dur. Les vélos sont
tellement lourd et la pente tellement raide qu’on avance moins vite qu’à pieds.
On fera seulement une petite trentaine de kilomètre ce
premier jour. On campe exténué au bord de la route.
J - 2
Après une nuit fraîche on reprend les vélos et on … monte.
Encore et encore. C’est une fois passé les 4000m que ça devient vraiment
difficile. Chaque poussée est un effort, chaque effort nous coupe le souffle. Evoluer
aussi haut c’est nouveau pour moi. On avance tous lentement, mais on avance.
Premiers lamas ! |
Et puis en fin d’après midi c’est la libération, on arrive
enfin au col frontière. Je regarde une dernière fois en arrière. J’ai un petit
pincement au cœur en quittant le Chili. Jusqu’ à maintenant j’avais un peu
l’impression d’être à la maison. Maintenant je redeviens étranger à l’étranger.
Chau chau Chili, à bientôt.
Poste frontière |
Après avoir réveillé les gardes frontières de leur lourde
sieste, on descend vers l’entrée du Parc National ou on passera la nuit au
refuge. La gardienne avait ses habits traditionnels, sa fille de 2 ans n’avait
pas dû se laver les cheveux depuis sa naissance et la chambre avec des crottes
de chien nous a couté 20bol chacun (3.-CHF). Ça fait pas trois heures qu’on est
en Bolivie et ce pays tient déjà toutes ses promesses !
J - 3
Cette fois ça y est, on y est. Mauvaise route, paysages
époustouflants.
Laguna Verde |
Récompense de l’étape après une journée épuisante, les
termes chaudes de Chalviri. On sera « invité » par la propriétaire du
petit restaurant à dormir dans la salle à manger. La première condition c’est
de se lever à 6h30 avant que les premières jeep de tours arrivent, la seconde c’est
de payer quand même quelque chose. Mais ça on le saura seulement le matin en
partant.
Il est 6h30 du mat' et c'est 17 jeep qui sont venues nous réveiller. Une jeep compte 5 touristes. Je vous laisse faire le calcule du nombre de gens dans la salle à manger. |
Hier soir, on a eu la chance de s'y baigner tout seul ! |
J - 4
Etape plutôt importante, on est sensé atteindre les 5025m d’altitude
aujourd’hui. Personne d’entre nous n’est jamais allé aussi haut, encore moins
avec un vélo. Inutile de vous rappelez que la route est mauvaise, que le manque
d’oxygène nous fait avancer comme des larves et que chaque coup de pédale est
un effort titanesque.
On dirait pas, mais lever ce point m'a diantrement coûté. |
5025m ... Content ! |
Ce soir on campera proche de la Laguna Colorada. Nos bouteilles gèlerons pendant la nuit. La routine quoi.
J - 5
La Laguna Colorada, mes amis, c’est beau, très beau. Le vent
qui vient chatouiller la surface de l’eau active les algues qui rendent la
lagune rouge ocre. Rajoutez à ça les flamants roses et vous avez là un des
meilleurs paysages du Sud Lipez.
Dans le sable, pas de miracle. |
Chaque ligne est une piste différente. |
Ce soir on campera à « l’arbre de pierre ». Une
fois sur place, on est pris d’assauts par les visiteurs étrangers qui nous assaillent de
questions. Pas facile de répondre à tout le monde en 3 langues différentes
après une journée éreintante.
People au milieu de nulle part |
L'arbre de pierre |
Campement caché |
J – 6
Réveille historique ! Cette nuit il a fait froid, très
froid. Trop froid en réalité. En me réveillant ce matin, je sors la main de mon
sac de couchage pour le tirer au dessus de moi. Lorsque je touche l’extérieur
de mon sac j’hallucine : il est entièrement recouvert de givre. Pareil
pour celui de Virgile, le gèle a envahie tout l’intérieur de la tente. En
touchant les parois c’est comme une fine neige qui nous tombe sur le visage. Vu
les rires et les cris dans la tente d’à côté, ils ont visiblement subit le même
sort.
P'tit dej difficile après LA nuit glaciale |
Gants aux pieds |
On prévoit ce soir de dormir près de l’Hôtel du désert, ou
même dedans si c’est possible. Comme les chambres sont à 100 dollars on espère
au moins pouvoir dormir dans un couloir. La bonne surprise c’est que les deux
jeunes présents acceptent de baisser de 10x le prix pour une chambre luxueuse
avec chauffage et eau chaude. Pour couronner le tout on mangera gastronomique
pour trois fois rien. Moi j’aime bien cette aventure.
J 7 - 8
Mauvaise route, paysages époustouflants. Vous connaissez le
refrain. Le premier soir on dort de nouveau dans un hôtel, mais dans le couloir
cette fois. Le second dans un canyon, à l’abris du vent.
Pirate fatigué |
J – 9
Joie ! Aujourd’hui on traverse un petit salar et on
dormira à San Juan, petit village signant la fin de la partie « difficile »
de ce Sud Lipez.
J – 10
Mauvaise route …. Blablabla
J 11 - 12
Après quasiment deux semaines de galère, on atteint enfin le
Salar de sel tant attendu. Il est grand, il est blanc, il est froid. La seule
différence notable avec de la neige c’est
qu’on peut pas écrire son nom en faisant pipi dessus.
Pause dans le grand vide. |
Virgile la folle |
Bilan ?
Entre nous, ce Sud Lipez, c'était pas si difficile que ça. On en a fait tellement une montagne avant de s'y rendre qu'on s'était préparé à bien pire. Alors oui on a eu très froid, oui on arrivait plus à s’asseoir sur la selle au bout du 5ème jours sans gémir de douleur, oui les routes étaient dégueulasses et il a fallu pousser dans le sable sur d'interminables kilomètres, oui on a souvent manqué d'air et on dépassait rarement les 40km par jour. Mais jamais on a pensé abandonner. Et puis on savait ou on mettait les pieds, on y était préparé. Les cartes qu'on avait étaient assez précises, l'eau n'a jamais été un souci et les 4x4 qu'on nous avait annoncé comme notre "pire cauchemar" se sont avéré en général plutôt respectueux et même très sympathique. La vraie difficulté a résidé peut être dans la longueur du passage. Deux semaines de galère c'est pas facile physiquement et mentalement. Personnellement j'ai senti que sur le Salar, je n'avais plus de force. Je donnais tout ce que j'avais mais mes jambes refusaient d'avancer. On est finalement tous arrivé sain et sauf dans la petite ville d'Uyuni où nous avons mangé comme des ogres et dormi comme des loirs, fière d'avoir accompli ensemble cette étape clé de notre voyage.
La prochaine fois je vous raconterai comment c'est trop bien la Bolivie. En attendant, faites du sport mangez gras, c'est la santé !
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